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Projet d’autoroute Poitiers-Limoges : contribution du Département de la Vienne

La RN 147 est un axe essentiel pour la vitalité économique de l’ensemble du Département de la Vienne, et également pour la  desserte et  le  désenclavement de  Montmorillon et  du Sud Vienne. Associée à la RN 149, elle constitue un itinéraire est-ouest majeur reliant Nantes à Poitiers et Limoges, et plus largement la façade atlantique à Lyon et Toulouse.

Cette route nationale connaît encore une accidentologie élevée qu’il importe de réduire. Si la tendance récente du nombre d’accidents et de blessés est à la baisse, notamment dans la Vienne du fait des aménagements (virages de Fontliasmes, déviation de Fleuré), le nombre de tués est stationnaire et le taux de tués pour 100 accidents dans la Haute Vienne reste malheureusement plus élevé que la moyenne nationale pour ce type de route à 2 voies.

Le Département de la Vienne demande continûment depuis plusieurs décennies à l’Etat, maître d’ouvrage de cette route, l’aménagement complet et sécurisé à 2×2 voies de cet  axe. Si, à  plusieurs reprises, l’enjeu a  bien été retenu (notamment décision ministérielle  de 2002 ; CIADT de 2003), les améliorations sur le terrain se sont limitées aux aménagements rappelés ci-dessus. Grâce au soutien financier du Département, deux opérations  ont finalement été inscrites au CPER Poitou-Charentes 2015-2020, l’une en études (entrée sud-est de Poitiers – Mignaloux-Beauvoir), l’autre en études et travaux (déviation de Lussac-les-Châteaux). Rappelons que la déviation de Lussac-les-Châteaux, initialement déviation à 2×2 voies de Lussac et Lhommaizé, a été réduite de moitié en longueur et ramenée   à une 2×1 voie avec créneaux de dépassement. Rappelons également que le Département est le premier financeur de cette déviation de Lussac, avec un apport de plus de 53 M€, ayant accepté de surcroît d’augmenter substantiellement sa participation initialement fixée à 35 M€.

Le Département de la Vienne estime donc essentiel que la circulation sur cet axe soit améliorée de manière complète, durable et raisonnable :

  • de manière complète : la modernisation de l’itinéraire doit être envisagée dans sa totalité, de l’autoroute A10 à l’autoroute A20 ;
  • de manière durable : les aménagements doivent préserver l’activité agricole, minimiser les impacts environnementaux et réduire les nuisances subies par les riverains ;
  • de manière raisonnable : les coûts doivent être optimisés et répartis équitablement entre les partenaires, tout particulièrement l’Etat.

 

Un aménagement complet, entre les autoroutes A10 et A20

La RN 147 est le support d’un trafic local à l’approche des deux agglomérations de Limoges et Poitiers, d’un trafic régional entre les deux anciennes capitales et également d’un trafic

de transit national et international, notamment de transports de marchandises, entre la façade Atlantique et l’est et le sud-est de la France. L’aménagement doit répondre aux attentes de l’ensemble de ces usagers. Pour ce qui concerne la RN147, seul un aménagement complet entre les autoroutes A10 et A20 et homogène en termes de profil (2×2 voies) et  de vitesse autorisée (110 ou 130 km/h) apportera la fluidité et la sécurité tant attendues.

A cet égard, en n’intégrant pas dans le périmètre de la concertation l’aménagement de l’entrée sud-est de Poitiers, pour lequel le Département déplore la suspension des études et l’absence de perspectives de tracé et de calendrier, les aménagements proposés dans  les deux scénarios s’avèrent incomplets et inopérants. Une autoroute Mignaloux-Limoges n’aurait aucun sens si l’entrée sud-est de Poitiers n’était pas traitée concomitamment.

Par ailleurs, les premiers projets d’aménagements de la RN147 remontent aux années 50. Des partis d’aménagement ont été régulièrement arrêtés, comme la décision ministérielle du 2 mai 2002 approuvant un avant-projet sommaire d’itinéraire. La mise en œuvre s’est avérée laborieuse et très limitée. Après la mise à 2×2 voies de la rocade nord-est de Poitiers dans les années 1995 à 2006, seule a  été réalisée la  déviation de  Fleuré déclarée d’utilité publique en 2004 et ouverte à la circulation en 2011. Les études d’opportunité d’une déviation de Mignaloux-Beauvoir inscrites au CPER 2000-2006 ont conduit en 2006 à une décision ministérielle retenant un tracé, décision restée sans suite faute de consensus local, les études n’étant reprises qu’une dizaine d’années plus tard. C’est pourquoi il est indispensable aujourd’hui de disposer d’un aménagement global de l’ensemble de cet axe.

De ce point de vue, moyennant la levée de la réserve émise ci-dessus sur l’incomplétude de l’itinéraire au niveau du raccordement à l’entrée sud-est de Poitiers, le projet d’autoroute répond à cette nécessité d’un aménagement complet.

Il répond également aux objectifs de sécurisation de l’itinéraire et, avec huit échangeurs dont le positionnement devra être judicieusement choisi, devrait permettre d’irriguer correctement les territoires traversés.

 

Un aménagement durable, minimisant les nuisances sur l’agriculture, l’environnement et les riverains

Les aménagements de l’itinéraire doivent réduire le trafic routier et ses nuisances actuelles dans les traversées de bourgs. Les déviations sont nécessairement consommatrices d’espaces naturels, espaces agricoles ou forestiers et milieux aquatiques. Les aménagements fonciers devront minimiser la consommation de l’espace agricole disponible et éviter les effets de coupure et de morcellement des exploitations. Les tracés des aménagements sont à rechercher au plus près de l’itinéraire actuel, en prenant en compte ceux qui auront le moindre impact environnemental et paysager.

 

Nous avons compris que c’est dans cet esprit que le projet d’autoroute intégrera les sections déjà en service. Pour la Vienne, il s’agit de la déviation de Fleuré mise en service en 2011, et la déviation de Lussac-les-Châteaux, dont les travaux débuteront cette année  pour une mise en  service annoncée en  2026, soit 4  ans avant celle de  l’autoroute selon  le calendrier présenté dans le dossier de concertation. L’autoroute captera un  peu  plus  de la moitié du trafic des véhicules légers. L’autre moitié se retrouvera donc sur l’ancien itinéraire, avec les traversées de Fleuré et de Lussac-les-Châteaux, alors que les déviations devaient aboutir à un trafic résiduel de l’ordre de 10% du total. Contrairement à ce que le dossier présente, l’autoroute multipliera par 4 le trafic dans ces deux traversées de bourg. Le Département, qui a contribué significativement à leurs déviations – 7,4 M€ pour Fleuré et 53,2 M€ pour Lussac-les-Châteaux -, n’accepte pas un tel retour en arrière et demande qu’il soit prévu l’accès gratuit à ces contournements pour les usagers.

 

Un aménagement raisonnable et équitable dans son financement

Le projet d’autoroute est construit sur une hypothèse d’un financement public estimé, en fourchette basse de la subvention d’équilibre du projet de concession, à 450 M€.

Le scénario alternatif repose sur l’hypothèse d’un financement apporté par la puissance publique équivalent, obtenu dans des hypothèses très favorables avec un coût de construction inférieur de 20% à l’estimation.

Ce choix conduit à proposer un scénario alternatif minimal qui ne peut que fausser la comparaison avec le projet autoroutier. Un scénario alternatif basé sur la subvention d’équilibre calculée avec l’estimation des travaux et dans des conditions ordinaires de financement, soit 550 M€ (et non pas 450 M€), aurait été préférable. Il permettrait des aménagements dans la section Lussac-les-Châteaux – Bellac, par exemple une déviation de Moulismes, dernier bourg restant non dévié dans la Vienne dans le scénario alternatif proposé (qui, rappelons-le, prévoit également la déviation de Lhommaizé).

Quel que soit le scénario retenu, le Département de la Vienne demande à l’Etat de s’engager une bonne fois pour toutes sur un scénario complet de modernisation de l’itinéraire A10-Poitiers-Limoges-A20, et, dès lors que cet axe national relève aujourd’hui de sa responsabilité, qu’il s’engage à assumer au moins 50% des financements publics nécessaires, puis à réaliser – ou faire réaliser – l’ensemble des travaux au plus tard en 2035.

D’autre part, les aménagements de cet axe bénéficiant à l’Etat et à la Région à travers les trafics de transit, notamment le trafic poids-lourds de marchandises, mais aussi aux deux agglomérations pour leurs relations économiques et pour les trafics domicile-travail, et enfin aux deux départements pour l’irrigation et le désenclavement des territoires ruraux, il est indispensable que le solde du financement public nécessaire soit réparti équitablement et proportionnellement entre l’ensemble des collectivités concernées, à hauteur des bénéfices escomptés et selon leurs capacités.

Pour sa part, le Département de la Vienne est donc prêt, comme il l’a déjà fait par le passé, à contribuer, aux côtés de l’Etat, de la Région Nouvelle-Aquitaine, du Département de la Haute-Vienne et des agglomérations de Limoges et Poitiers, au financement des aménagements nécessaires pour la modernisation de cet axe, à condition que ceux-ci répondent aux attentes des territoires en matière d’attractivité, de désenclavement et de sécurité.

Sa contribution devra être équitable et prendre en compte les engagements financiers déjà pris pour la déviation de Lussac-les-Châteaux (53,2 M€) et l’entrée sud-est de Poitiers (2 M€).

Enfin, dans le contexte législatif nouveau offert par la promulgation de la loi 3DS le 21 février 2022, il paraît utile au Département de préciser qu’il ne pourra répondre à la possibilité de transfert dans le domaine départemental de la RN 147 que lorsque les points soulevés ci-avant auront été clarifiés et que l’Etat aura choisi, financé et mis en œuvre un scenario global d’aménagement de cet axe.

 

Compte tenu de la teneur du dossier présenté, le Département de  la  Vienne n’est  pas en mesure de se prononcer favorablement sur ce projet autoroutier. Il souhaite vivement qu’un aménagement complet et sécurisé de cet axe Poitiers-Limoges soit décidé et assumé par l’État, pour la population, les acteurs économiques, l’environnement et les usagers.